Quelles adaptations pour le nouveau règlement biologique de l’Union européenne ?
Depuis le 1er janvier 2025, le système d’importation des produits biologiques en Union européenne est redéfini par un nouveau règlement biologique. Ce dernier uniformise les règles et les normes de qualité entre les produits importés et ceux produits en Union européenne. Un des principaux changements concerne la certification des groupements de producteurs qui devront faire face à des adaptations organisationnelles et juridiques importantes pour pouvoir continuer à exporter vers le marché européen.
Ces changements nécessaires interviennent dans une période difficile : augmentation des coûts en raison de l’inflation, pression sur les prix, baisse des ventes de produits biologiques vers l’Europe. Cette adaptation supplémentaire est d’autant plus difficile pour les organisations de petits producteurs de cacao et de café, déjà confrontées aux exigences du règlement européen contre la déforestation importée.
La conformité au nouveau règlement biologique (UE) 2018/848 implique également des répercussions financières sur la chaîne de valeur, liées à l’augmentation des coûts de certification.
Le nouveau règlement bio européen (UE) 2018/848 a pour objectifs déclarés d’encourager le développement durable de production biologique dans l’UE, de garantir une concurrence loyale pour les agriculteurs et les opérateurs de l’UE, de prévenir les fraudes et les pratiques déloyales et d’améliorer la confiance des consommateurs dans les produits biologiques.
Pour les pays tiers, il apporte un changement fondamental à l’approche règlementaire, en passant du principe d’équivalence au principe de conformité.
Du principe d’équivalence à une conformité stricte
Pour soutenir la production biologique de matières premières dans les pays tiers et favoriser leur importation en UE, le précédent règlement européen prévoyait un régime d’équivalence. Suite à des accords commerciaux, certains pays étaient reconnus comme «pays équivalents». Dans les autres pays, l’inspection et la certification relevaient de la responsabilité des organismes de contrôle indépendants et reconnus par la Commission européenne, sur la base de leurs propres standards biologiques applicables dans les pays tiers, conformes à l’agriculture biologique et équivalents à la règlementation.
Désormais, avec le nouveau règlement européen, les producteurs des pays tiers devront se conformer exactement aux mêmes règles que les producteurs de l’UE.
À noter 70% des importations bio de l’UE de cacao sont produites et certifiées par de petits groupes de producteurs.(1)
Les nouvelles exigences pour les groupes d’opérateurs des pays tiers
Une large gamme de matières premières biologiques destinés au marché européen sont produits majoritairement par de petits agriculteurs de pays tiers qui sont certifiés en tant que « groupements de producteurs » biologiques.
En effet pour palier à la complexité administrative pour les petits producteurs de se certifier en nom propre, le précédent règlement européen n°834/2007 prévoyait la certification de groupe qui permettait aux coopératives de porter la certification. Ces dernières avaient l’obligation de mettre en place un système de contrôle interne (SCI). Ce système de contrôle interne était vérifié par des organismes de certification tiers qui procédaient également à des visites auprès d’environ 2% des producteurs.
Des changements majeurs ont été apportés par le nouveau règlement européen n°2018/848 au niveau de la certification de groupe.
Chaque groupe d’opérateurs doit désormais respecter les caractéristiques suivantes pour pouvoir être certifié :
- 2 000 membres maximum par organisation
- Chaque membre doit :
– être producteur bio ou en conversion biologique
– exploiter maximum 5ha ou avoir un chiffre d’affaires inférieur à 25 000€ - Avoir une personnalité juridique
- Avoir un système de commercialisation commun
- Etablir et mettre en oeuvre un système de contrôles internes (SCI)
Les conséquences pour les petits producteurs
Les producteurs qui exploitent plus de 5ha ou présente un chiffre d’affaires supérieur à 25 000€ devront se certifier en nom propre pour pouvoir continuer à exporter leur cacao en bio vers l’UE. Cependant, ces critères établis en 2018 ne sont plus adaptés au contexte actuel, notamment celui du chiffre d’affaires. En effet, depuis plus d’un an, les cours du cacao étant très élevés, les producteurs dont les plantations affichent un bon rendement atteignent rapidement ce palier.
Cela pose une double problématique. D’une part, ces niveaux de prix exceptionnels excluent les producteurs de la certification de la coopérative. Or, la situation des producteurs peut changer d’une année à l’autre ( mauvaises récoltes, baisse des cours du cacao), les rendant de nouveau éligibles pour intégrer la certification groupée.
D’autre part, face à la complexité administrative, un grand nombre de producteurs dépassant ces critères pourraient choisir de ne pas se certifier et de vendre leur cacao sur le marché conventionnel, d’autant que celui-ci propose aujourd’hui des prix attractifs. Un producteur qui abandonne la certification bio devra réintégrer un cycle de conversion de 3 ans s’il souhaite de nouveau se faire certifier en agriculture biologique.
Les conséquences pour les groupements de producteurs
Pour maintenir leur certification bio, les coopératives font également face à une lourdeur des démarches administratives : nécessité de redécouper les coopératives en plusieurs entités pour respecter le nombre maximum fixé à 2 000 producteurs, exclusion des membres qui ne respectent pas les critères, etc.
Par manque de soutien ou de moyen, de nombreuses organisations des pays tiers n’ont pas anticipé les nouvelles exigences de la règlementation bio européenne. Si elles ne sont pas en mesure de renouveler leur certificat avant le 15 octobre 2025, elles ne pourront plus exporter en bio vers l’UE.
Dans un contexte où les prix du marché conventionnel sont élevés, nous assistons à un désengagement d’un certain nombre de coopératives qui abandonnent la certification bio.
Les impacts sur le marché bio
Augmentation des coûts de certification
Le nouveau règlement n°2018/848 prévoit également une augmentation du nombre de producteurs contrôlés, dans le cadre de l’audit pour une certification groupée, passant d’environ 2% à 5%. Les auditeurs devront également effectuer des prélèvements pour échantillonnages sur plantations auprès de 2% des producteurs. Cette intensification des contrôles contribue à un allongement des jours d’audition.
Exemple de la filière de cacao de Kaoka à São Tomé
Règlement UE n°834/2007
- 1 coopérative pour environ 3 000 producteurs
- Audit physique en 2024 :
- 1 auditeur pour 20 jours d’audit
- Coût = environ 13 000€
Règlement UE n°2018/848
- 2 coopératives : 1 coopérative exportatrice de 2 000 producteurs et 1 coopérative de 1 000 producteurs
- Audit physique en 2025 :
- 2 auditeurs pour 50 jours d’audit
- Coût = environ 30 000€
Inflation des produits bio
L’offre de matières premières bio étant probablement amenée à diminuer, les prix risquent d’augmenter. Couplé à une augmentation des surcoûts liés à la nouvelle règlementation (coûts de certification, coûts de transfert, charges), nous risquons d’assister à une inflation des produits bio. Dans un contexte déjà inflationniste, est-ce que la consommation bio suivra ?
Difficultés d’approvisionnement
Dans un environnement de plus en plus pollué par les intrants chimiques, il est de plus en plus difficile de produire en agriculture biologique des matières premières qui affichent des analyses conformes aux exigences. L’augmentation des contrôles ralentit la mise sur le marché des matières premières. Ce ralentissement couplé au manque de disponibilité de matière dû au renoncement de certaines organisations de producteurs à la certification bio mais aussi aux impacts climatiques sur les récoltes, risque de provoquer de graves difficultés d’approvisionnement pour les transformateurs bio en France et en Europe.
Un manque de cacao bio sur le marché UE déjà visible -40% des importations de cacao bio en UE entre 2022 et 2024.
Grâce à modèle de filières intégrées caractérisé par notre proximité avec les coopératives de producteurs, nous avons pu les accompagner dans cette mise en conformité et ainsi anticiper la mise en application du nouveau règlement bio.
Sources
(1) FiBL | Impact of the New EU Organic Regulation on Smallholder Value Chains and the European Organic Sector, octobre 2024